Portrait d'un projectionniste
Charles.
Projectionniste.
L'oeil du cinéma, c'est lui.
On ignore à quoi il ressemble,
mais le bruit court qu'il travaille à l'UGC Odéon.
Comment es-tu devenu projectionniste ?
Je sortais de seconde et je n'avais pas envie de continuer le
lycée, enfin j'étais en échec scolaire et donc je me dirigeais vers une seconde
pro ou BEP CAP etc. Et vu que je passais mon temps au cinéma et que j'avais
fait un "stage" en 4e dans une cabine de projection, je me suis dit
pourquoi pas. Disons que les alternatives ne convenaient pas, je pensais que
devenir projectionniste pourraient me donner un avenir et je pourrais cumuler
passion et boulot.
Donc j'ai passé mon cap d'opérateur projectionniste et par chance, j'ai eu
une place rapidement dans un petit cinéma de province où l'on
passait de la VO, ce qui était nouveau pour moi. Un des formateurs m'a dit un
jour que si on aimait regarder des films il ne fallait surtout pas devenir
projectionniste et qu'il ne fallait pas s'attendre avec ce métier de voir des
films. Après réflexion et quelques années de profession, je pense qu'il a
raison et tort à la fois. Je m'explique : ce métier m'a permis pendant plusieurs années de découvrir des réalisateurs, des films et a contribué à améliorer diamétralement
ma culture cinéphile. Mais progressivement arrive une certaine lassitude à
bouffer de la pellicule. Ce métier permet d'avoir du temps, de rencontrer du monde
(festivals, projection spéciale, etc.) mais il amène aussi de l'ennui et on ne
voit plus ce "lieu de cinéma" comme un sanctuaire ou comme un lieu spécial,
ce qui était le cas pour moi enfant. Aller au cinéma était un rendez-vous spécial, un
peu comme un 1er rendez-vous avec une fille. Mais travailler dans cet endroit annihile progressivement
la "magie" du lieu.
De
plus ce métier a changé technologiquement, il n'est devenu qu'une ombre
de ce qu'il était avant, en gros il n'y a plus vraiment de rapport
(en tout cas dans une majorité de cas) avec ce qu'il le caractérisait
avant.
Et enfin quand on aime beaucoup le cinéma et c'était un peu un
rêve d'enfant d'en faire, simplement être projectionniste devient avec le temps assez
triste et pour ma part, j'ai fait une fac et autres travaux à coté avec plus ou
moins de succès mais je sais que je n'aimerais pas y rester jusqu'à la
retraite.
Quelle est la première image qui te vient à l'esprit ?
J'ai projeté en 2004 une copie de KILL BILL, Partie 2 un soir à
minuit avec quelques amis, j'avais reçu la copie une semaine avant ce qui est rare et j'étais
très enthousiaste à l'idée de voir ce film en avant-première en petit comité. J'avais énormément
attendu le 1er, je pense même que c'était le film dont j'avais le plus attendu
la sortie et donc forcément avoir la possibilité de voir la 2eme partie un jeudi
soir, une semaine avant avait une saveur toute particulière.
A la fin du générique de fin, il est arrivé un problème
technique (sans gravité) qui coinça la fin de la dernière bobine dans le
projecteur. Pour l'anecdote à la fin du générique il y avait un petit supplément,
une sorte de scène raté où "la mariée" effectuait une cascade et
c'est à ce moment là que la pellicule se coinça dans le projecteur. J'ai donc vu
l'image du film se consumer littéralement à l'écran pendant quelques secondes
(avant que je ne courre stopper le projecteur en râlant). C'est donc une image qui
restera gravé dans ma mémoire, Béatrix Kiddo se consumant sous les yeux
interloqués puis amusés des mes amis.
Quel film projetterais-tu à ton pire ennemi ?
Si j'avais un pire ennemi, je pense que je lui projetterais un
film français. Deux titres me viennent en tête: Le Marquis (avec Berry, Dubosc) et
un film que je hais particulièrement : Il Reste Du Jambon ?
J'ai une aversion particulière pour ce film, je le trouve
horrible, malhonnête, raciste (ce qui est un comble puisqu'il est censé
dénoncer cela), abordant des situations avec des clichés absolument atterrants,
d'une idiotie sans nom, très mal joué (bon en même temps c'est français, je suis pas objectif) très
laid aussi, avec une actrice absolument désastreuse, des seconds rôles qui
donnent envie de mourir littéralement sur place. Je hais ce cinéma français qui
prétend faire "évoluer" les mentalités et se donne bonne conscience
en sortant des merdes abjectes de ce type. L'opportunisme idéologique sur
lequel ce film essaie de surfer m'a littéralement donné envie de gerber. Donc je
suppose que si je déteste quelqu'un je le mettrais devant ce
film mais il faudrait qu'il (ou elle) est du gout pour pouvoir être réellement
dégouté par ce truc, ce qui n'est pas forcement le cas de tout le monde.